*CSAM : Comité Social d’Administration Ministériel
L’ordre du jour de ce CSAM laisse de la place à une déclaration liminaire qui fera référence à la multilatérale que nous avons eue avec le ministre Sébastien Lecornu, en votre présence monsieur le secrétaire général, jeudi dernier. Cette réunion, que nous avons souhaitée, était une nécessité, au moins de principe, dans un contexte international tendu et incertain, mais aussi dans une période charnière pour notre ministère et pour l’ensemble de la communauté de défense, qui comprend les industries privées qui interviennent soit totalement, soit pour une partie de leur activité, dans ce secteur.
Le ministre a, au cours de son intervention, exprimé clairement son souci de justice sociale, qu’il a replacée au cœur de son action. Pour nous convaincre encore plus, M. Lecornu a mentionné avec force son attachement à l’héritage du général de Gaulle, et notamment sa vision d’un État protecteur, garant de l’intérêt général, et - mais ça c’est nous que le rajoutons - soucieux de la participation des travailleurs et des travailleuses à l’organisation de la vie économique.
Cette référence n’est pas anodine et surtout n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd, si vous me permettez l’expression. Elle nous engage collectivement à faire vivre un modèle où la puissance publique ne se contente pas de piloter les grands équilibres, mais agit concrètement pour améliorer les conditions de travail, renforcer les parcours professionnels, et garantir une juste répartition des richesses, y compris dans la BITD.
Le ministre a rappelé, à juste titre, que la souveraineté nationale ne peut être dissociée de la cohésion sociale, et que la défense de la Nation passe aussi par le respect et la reconnaissance de celles et ceux qui la servent au quotidien.
C’est également notre conviction, une Nation en péril social n’est pas une nation forte, n’est pas une nation en capacité de se défendre, n’est pas une nation résiliente. Le bon sens nous l’affirme et l’histoire, dont vous êtes féru monsieur le secrétaire général, nous le rappelle.
Le ministre a dit aussi qu’il n’était pas question pour lui de se substituer aux patrons de la BITD. Nous entendons cette position, elle est conforme à celle du gouvernement depuis 2017, elle nous est rappelée par le cabinet à chaque fois que nous évoquons la situation des salariés des entreprises du secteur de la défense.
Mais nous nous interrogeons : comment garantir une meilleure structuration des filières, une répartition plus équitable de la valeur et une visibilité réelle pour les sous- traitants, si l’État ne joue pas un rôle plus direct de régulateur et d’impulseur ?
Sur le volet purement économique, le ministre nous dit que les grands groupes ont aujourd’hui de la visibilité sur leur cahiers de commandes – ce n’est pas ce qu’ils disent tous – il reconnait que les PME et le reste de la chaîne de valeur, elles, attendent encore des actes. Pour le ministre la responsabilité est celle des grands donneurs d’ordre industriels, qui eux la rejette sur l’État...
La CFDT a, à plusieurs niveaux, en se faisant le relais des représentants des salariés au sein même de ces grands groupes de défense, alerté sur le manque de visibilité pour la BITD en termes de carnet de commande et sur ce que cela pouvait impliquer notamment en matière d’anticipation pour les compétences et le savoir-faire.
Les salariés, dans tout cela, doivent être pleinement associés à la réflexion sur la gestion de leur entreprise et - allons jusqu’au bout dans la mise en œuvre de la pensée gaullienne - à l’avenir industriel de notre pays.
Nous ne cesserons de le répéter : La participation des travailleurs à la gestion de leur entreprise est un droit fondamental, reconnu par la Constitution, le Code du travail, la jurisprudence, et les engagements internationaux. Elle est aussi un levier de performance collective, de justice sociale et de démocratie économique.
Sur le terrain purement ministériel le ministre a une nouvelle fois parlé de fidélisation. C’est pour lui une priorité, y compris par rapport à l’attractivité. Je le cite de mémoire « essayons d’abord de conserver les agents avant d’en recruter d’autres ».
Il a également exprimé, malgré les demandes d’économies exigées par Bercy, son engagement à respecter les mesures catégorielles déjà annoncées dans le cadre du PLF 2025. Cet engagement et bien venu et va dans le sens de la reconnaissance du travail accompli par les agents et les agentes du ministère des armées, qui n’est, selon lui aussi, pas un ministère comme les autres.
En lien avec la fidélisation il a évoqué les conditions de travail, la vétusté de beaucoup d’infrastructures, les efforts en matière de formation, de dialogue social sur l’IA, ou encore la reconnaissance du personnel civil. Cette dernière passe, selon nous, aussi par le pouvoir d’achat (les composantes de ce dernier ne se limitant pas à la rémunération directe ; il ne faut pas négliger le transport et surtout le logement).
Petite incise sur le pouvoir d’achat justement. Depuis le 1er mars les agents se voient retirer 10% de leur rémunération en cas de congés maladie ordinaire. Là encore ce sont les salaires les plus bas du Minarm qui vont payer le prix fort. Celles et ceux qui brûlent déjà la chandelle par les deux bouts ne pourront pas faire autrement que de venir travailler en étant malades et, quelques fois, contagieux...
Si les textes pour les fonctionnaires ont été validés, le décret présenté au CSFPE qui visait à aligner le régime de rémunération des ouvriers de l’État en incapacité de travailler sur celui des fonctionnaires, a été validé le 12 mai dernier. Il sera suivi d’un arrêté pour préciser les éléments de rémunération qui seront pris en compte pour le calcul et ce texte-là sera présenté en amont aux OS de niveau fonction publique : un semblant de dialogue social sur le sujet. Le Minarm a-t-il prévu une telle séquence avec les fédérations syndicales du ministère, en amont de ce qui sera fait au niveau de la DGAFP ?
La CFDT ne baisse pas les bras et continue de porter ses revendications auprès de la DGAFP pour une mise au placard de cette décision injuste et stigmatisante pour l’ensemble des agents publics.
A part ce dernier point, dont le ministre n’est pas directement responsable, toutes les intentions exprimées plus haut par le ministre, qui relèvent globalement de l’amélioration des conditions de vie et des conditions de travail, sont louables et méritent notre soutien. Sans doute rencontrent-elles un écho au niveau des administrations centrales, mais - nous l’avons dit au ministre - localement le décalage entre les annonces et la réalité persiste lamentablement. Le choc culturel qui permettrait de passer du commandement au management, y compris chez certains civils, n’est pas encore passé partout !
Nous le martelons une fois de plus : Il faut, à tous les niveaux, aller plus loin, plus vite, pour associer davantage les agents à la définition des politiques qui les concernent.
Le contrat de confiance que nous appelons, semble-t-il, tous de nos vœux, ne peut être unilatéral. Il suppose un engagement réciproque, une transparence sur les arbitrages, et une volonté réelle de coconstruire notre outil de travail.
La CFDT Défense est prête à prendre toute sa part dans cette co-construction. Mais nous serons aussi vigilants. Vigilants à ce que les principes défendus à haut niveau soient traduits en actes sur le terrain. Vigilants à ce que la justice sociale ne soit pas un slogan, mais une réalité vécue par tous les travailleurs et toutes les travailleuses de la communauté de défense.