Nous aurions souhaité aussi dire « Monsieur le ministre », mais malheureusement il ne nous fait toujours pas l’honneur de sa présence. Pour cette première réunion du CSAM, c’est significatif de la considération portée au personnel civil, il participe régulièrement aux CSFM, dont acte.

Nous aurions aimé lui dire, en tant que membre du gouvernement, tout le bien que nous pensons de la réforme des retraites.

La loi a été promulguée dans l’heure même qui a suivi sa validation par le conseil constitutionnel. Cette dernière provocation du président de la République dont la seule justification plausible est sa volonté d’affirmer qu’il détient le pouvoir, n’a fait que mettre encore plus l’huile sur le feu de la contestation.

La crise démocratique que nous dénonçons a été provoquée par le détournement des règles démocratiques, quoi qu’en disent tous ceux qui ne comprennent pas la contestation de la légitimité de la réforme (légitimité qu’il ne faut pas confondre avec légalité !).

C’est en particulier l’utilisation du 49.3, non pas pour contrer les obstructions à l’expression de la représentation nationale, mais, au contraire, éviter que cette dernière ne s’exprime par un vote dont le résultat pressenti n’allait pas dans le sens de ce qu’attendait l’exécutif, qui est remis en cause.

L’affirmation - d’une mauvaise foi absolue - qui consiste à dire que le vote contre la motion de censure vaut vote pour la réforme des retraites est une autre illustration de l’illégitimité de la loi.

Mais celle-ci reste légale et sera malheureusement appliquée.

La crise se manifeste aujourd’hui par une contestation populaire d’un niveau rarement, voire jamais, atteint et pourtant pratiquement ignoré par le pouvoir exécutif.

Les conséquences de tout cela sont potentiellement extrêmement graves !

Sans revenir sur l’injustice et l’inutilité de la réforme, ainsi que sur les traumatismes que sa mise en œuvre brutale provoqueront – autrement dit sans revenir sur le fond de la contestation dont les arguments ont été balayés d’une succession de revers méprisants - c’est la violence de la réaction et ses conséquences à moyens termes qu’il faut craindre maintenant. Nous avons déjà eu l’occasion de le dire : le pouvoir exécutif d’aujourd’hui, choisi pour faire barrage à l’extrême droite en 2017 et en 2022, à force de jouer à l’apprenti sorcier, pourrait être celui qui en 2027 lui déroulera le tapis rouge.

C’est peut-être aussi pour éviter cela, si c’est encore possible, que nous devons reprendre pleinement notre place dans le dialogue social ? Repartir discuter et négocier ce n’est pas renoncer, c’est jouer notre rôle de défenseur des travailleurs et des travailleuses.

Nous pouvons continuer à contester le recul de l’âge légal - à chaque occasion qui nous sera offerte et à celles que l’on saura saisir - et à la fois avancer dans la représentation de nos mandants.

Cette réforme aura des conséquences sur les personnels du ministère qui gèrent les retraites. Aujourd’hui encore, il est impossible de connaitre les conditions exactes de départ qui seront mises en œuvre à compter du 1er septembre 2023 faute de publication de tous les décrets d’application.

Il reste à peine plus de 100 jours avant la mise en œuvre, 100 jours, dont la moitié durant la période des congés d’été, quels seront les délais de traitement ? quelles seront les conditions de travail des agents des CMG et du SPRP, quels sont les renforts prévus ?

Avec le cumul de congé et le CET, certains agents ont déjà « quitté physiquement » l’institution, ils ont rendu les cartes et les codes, et pour certains, le remplaçant est déjà en poste, voire le poste est supprimé pour répondre aux demandes de réduction de effectifs. Que va-t-il advenir d’eux ? Pour tous ceux qui ont déposé leur demande depuis le début de l’année, c’est le flou, une lettre d’attente a été transmise à certains par le SPRP, d’autres ont reçu la consigne d’attendre par les CMG qui ont refusé d’initier leur demande, comment le ministère compte- t-il régler ces situations ?

Ce CSA ministériel est l’instance formelle d’exercice du dialogue social au niveau le plus haut de notre administration. Elle doit s’inscrire sans complexe en tant que mise en pratique de la démocratie sociale, ou la démocratie sur les lieux de travail.

Tous les sujets qui concernent le travail doivent pouvoir y être abordés. Le personnel à son travail, comme le citoyen dans la cité, doit pouvoir faire entendre son opinion sur ce qui le concerne.

C’est dans cet esprit que nous abordons cette nouvelle mandature, dans cette nouvelle instance. Nous comptons sur l’administration pour le faire de la même manière de son côté.

La future LPM prévoit 413 Md€ pour les armées sur 6 ans, soit 1/3 de plus que la précédente. Ce budget doit servir à renforcer nos capacités de défense pour se prémunir de conflits brutaux et d’envergure qui nous menacent.

Mais intensifier l’activité militaire ne pourra se faire sans efforts supplémentaires des services de soutien du ministère. L’époque de «l’intendance suivra» est révolue! Ce sont les équipements, la logistique et le soutien qui mènent la barque aujourd’hui.

Les grandes lignes de nos positions sont assez simples: la loi prévoit une hausse « considérable »1 du budget consacré aux armées. Cette hausse traduit la volonté gouvernementale d’aller au-delà de la « réparation » des forces nécessaire après les dégâts provoqués par les déflations budgétaires successives conséquences des « dividendes de la paix » post guerre-froide des années 90. L’État parle maintenant de « transformation » pour adapter le format des armées à la forme et à l’intensité de la menace, pour ne pas dire « des menaces » puisque celles-ci sont multiples et réintègrent concrètement la réalité des conflit symétriques entre puissances équivalentes.

Nous ne nous positionnons pas sur les choix politiques de renforcement de nos capacités de défense. Notre souci est l’impact sur le travail et l’emploi du personnel civil concerné. Il s’agit des travailleuses et des travailleurs des services de soutien du MINARM, de ceux des services opérationnels (il y en a, en particulier dans le renseignement et dans la cyber, mais pas uniquement), et bien sûr des salariés des entreprises du secteur de la défense qui sont dans le périmètre de la FEAE.

Nous exigeons que le sort du personnel civil soit pris en compte, que l’impact d’une augmentation vers la haute intensité et des enjeux capacitaires sur les activités non opérationnelles, principal terrain d’action des civils, soit perçu et géré, que ce soit au ministère, à l’IGESA ou chez les industriels de défense.

Les enjeux sont clairs pour nous : en premier lieu l’emploi et le travail ; attractivité, fidélisation, maintien en compétence, etc. Sur le terrain un peu plus politique mais toujours lié à l’emploi, nous favorisons la souveraineté, qu’elle soit nationale ou européenne et, pour le bien de nos industries de défenses, la coopération plutôt que la libre concurrence, dans le cadre d’une Europe politique et industrielle de la défense.

Nous n’avons pas été consultés pour la construction du projet de loi, contrairement à ce que nous avait laissé entendre le ministre le 12 décembre 2022 quand il a rapidement reçu les OS dans son bureau à Balard – sauf peut-être sur l’évolution de la doctrine d’emploi de la réserve, partie importante du projet de loi et point sur lequel le ministère a souhaité associer les organisations patronales et celles qui représentent les salariés.

L’emploi des réservistes est un sujet auquel nous attachons beaucoup de vigilance, tant nous constatons que dans certaines circonstances et dans l’état actuel de son emploi, il y a encore trop de situations qui relèvent de la gabegie et du copinage. Pour exemple l’emploi rémunéré de réservistes pour participer à des cérémonies militaires. Dans d’autres situations, assez nombreuses aussi, des réservistes occupent des postes qui pourraient sans problème être confiés à des agents civils. Nous attendons donc beaucoup de cette nouvelle doctrine qui devrait augmenter les effectifs militaires à hauteur d’un réserviste pour deux militaires d’active. Gageons que la croissance des effectifs militaires ne sera pas sans effet sur le nombre d’agents civils qui les soutiennent.

Paris le 11 mai 2023

 

1 Il faut pourtant relativiser cette augmentation, puisqu’en Euros constants le coup de pouce budgétaire pour les armées resitue le montant annuel au niveau de 1990, c’est-à-dire a la fin de la guerre froide, soit dans une période d’insécurité internationale sans doute à peu près équivalente à celle que nous vivons aujourd’hui.