le 28 Février 2018
Déclaration de la fédération CFDT Défense
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les député-e-s,
Vous nous recevez aujourd’hui pour une audition sur le projet de loi de programmation militaire et nous vous en remercions.
Ce projet nous a été présenté par Mme la ministre le 9 février dernier. L’ambition chiffrée est notable et rompt avec les tendances des dernières LPM. Ceci est particulièrement vrai concernant les équipements des Forces. Les industriels de la Défense notamment Nexter et Naval Group peuvent a priori compter sur une activité soutenue que nous espérons gage d’emplois en contrat à durée indéterminée.
Côté ministériel, certaines mesures nous paraissent aller dans le bon sens puisqu’elles renouent avec des recrutements et des effectifs de personnels civils en hausse. Ce qui n’était pas également arrivé depuis longtemps.
Toutefois, permettez-nous d’être méfiant quant au déroulement de cette LPM.
En effet en y regardant de plus près, les efforts tant en recrutement qu’en termes budgétaires sont répartis de façon inégale dans le temps.
Ainsi concernant les effectifs, nous constatons que la hausse de 6000 personnels se déroulera essentiellement après 2022. De 2019 à 2022 seuls 25% soit 1500 personnels supplémentaires dans notre ministère. Après c’est 1500 par an mais nous savons tous que ces chiffres n’engagent pas le présent gouvernement mais celui qui sera nommé suite aux élections présidentielle et législative du printemps 2022. Rien ne peut nous assurer que le contrat sera respecté jusqu’au bout, nous l’avons constaté par le passé.
Idem coté budget, où les deux tiers des efforts financiers sont prévus à partir de 2023.
Compte tenu qu’une loi de programmation militaire n’est jamais réalisée dans sa totalité, cet étalement de la hausse des effectifs et du budget nous laisse perplexes.
Autre sujet d’inquiétude, le financement des opérations extérieures dont il est précisé que les surcouts feront l’objet d’un financement interministériel dont on sait tous ici qu’il est pratiquement impossible à réaliser quand la situation se présente. Au final, c’est bien souvent le seul ministère des armées qui paie, ce qui est injuste et préjudiciable à son fonctionnement.
Au sein de ce ministère qui subit depuis des dizaines d’années des restructurations, la situation des personnels civils à ce sujet ne s’arrange pas. Ils sont les premières victimes de la faiblesse du recrutement. Des compétences s’en vont et personne ne vient les remplacer. C’est criant dans la maintenance des équipements des Forces même si quelques recrutements indispensables mais encore insuffisants ont pu être effectués ces dernières années. C’est également criant dans le soutien non opérationnel trop souvent oublié et où travaillent majoritairement les personnels civils.
Et se profile à l’horizon une nouvelle réforme du soutien, génératrice de stress et d’inquiétude car l’information ne vient pas jusqu’à eux et très partiellement aux organisations syndicales, la communication interne du ministère laissant quelque peu à désirer en ce moment. Beaucoup de questions se posent. Quel est l’avenir et l’organisation des Bases de Défense, des GSBdD ? Quelle cartographie ? Quels effectifs ? Quels emplois ? Les personnels n’en savent quasiment rien.
Le ministère affiche aujourd’hui une volonté tout à fait louable, d’améliorer, en matière de taux de disponibilité des équipements, le maintien en condition opérationnelle, particulièrement celui des aéronefs. Toute nécessaire que soit cette approche, elle est aussi un facteur anxiogène pour les personnels civils des AIA et des services d’entretiens intégrés aux forces. La CFDT s’est exprimée sur le sujet à plusieurs reprises et combattra toutes les solutions qui iraient vers une externalisation pure et simple de l’activité industrielle du ministère. Pour des questions opérationnelles autant que sociales, le ministère doit garder à sa main les principaux leviers, y compris industriels, du MCO des équipements. L’autre volet de la LPM se projette à l’horizon 2030 et au-delà avec le lancement d’études (1,8 milliard par an) sur le successeur du Charles-de-Gaulle (2040), le système de combat aérien du futur européen, le char du futur et le système d’artillerie franco-allemand... 1 milliard seront consacrés aux études amont, à l’innovation. Oui un outil de défense, cela se construit dans la durée et il faut toujours anticiper les évolutions. 10 ou 15 ans, est un long délai pour une société, mais relativement peu à l’échelle d’un programme d’armement et plus encore pour bâtir un dispositif de défense cohérent et efficace.
Pour mener à bien ses nouvelles missions d’études, d’innovation numérique, de cyber-défense, d’anticipation, la Direction Générale pour l’Armement va devoir recruter car elle est aujourd’hui en sous-effectif et les recrutements bloqués. Aujourd’hui la DGA n’est pas assez attractive et surtout ne fidélise pas, les ingénieurs se tournant à terme vers le secteur privé. Il est urgent de trouver des solutions pour enrayer cela. Par ailleurs, la DGA à l’instar des autres directions et services du MINARM, ne peut aujourd’hui s’exonérer de recourir à des emplois statutaires sur des postes pérennes. Des besoins en fonctionnaires et ouvriers de l’Etat sont bien réels.
Les marchés techniques, informatiques, de protections individuelles, de Contrôles Périodiques et vérifications obligatoires doivent être traités par la DGA et non par des marchés centralisés car ils sont liés à de la sécurité de données sensibles, très techniques à caractère industriel. Aujourd’hui on constate un manque de réactivité et les marchés ne répondent pas aux besoins initiaux. Enfin, la CFDT déplore l’utilisation exagérée et non-pertinente de la sous-traitance pour des besoins, notamment en infrastructure, qui pourraient trouver des solutions à long terme en interne.
Nous vous remercions de votre attention.